Le départ - L'appel de l'Argentine

Dès le début du XVIe siècle, l'Amérique du Nord (Terre Neuve, Labrador, golfe du Saint-Laurent) est une destination des pêcheurs basques qui, comme les Portugais, Bretons et Normands, viennent y pêcher la baleine et la morue.

La colonisation de l'Amérique du Sud et celle du territoire de La Plata en particulier (zone située autour du fleuve qui traverse les pays actuels d'Argentine, d'Uruguay et du Paraguay) débute dès le XVIe siècle sous la houlette des explorateurs et des conquistadors espagnols parmi lesquels de nombreux émigrants basques. Le courant d'émigration des Basques du nord, longtemps dirigé vers l'Espagne, se détourne alors vers ses colonies d'Amérique du Sud.

 

Autorisation de départ 13 août 1900

Autorisation de départ, fonds Apheça, collection Musée de Basse Navarre
Autorisation de départ, fonds Apheça, collection Musée de Basse Navarre

"Nous, soussigné Aguerre Jean, maire de Béguios canton de Saint-Palais, département des Basses Pyrénées, attestons que Mme veuve Faut Marie, de notre commune a donné, en notre présence, à son fils Faut Jean, âgé de dix huit ans, l'autorisation d'aller en Amérique. Elle n'a pu donner cette autorisation sous seing privé pour ne savoir écrire".

La première vague d'émigration basque vers les pays de La Plata (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles) résulte de décisions individuelles. Sous l'impulsion de la couronne d'Espagne, il s'agit de colons (comme Juan de Garay) désireux de conquérir de nouvelles terres mais aussi, au XVIIIe siècle, de fonctionnaires et de missionnaires.

La seconde vague d'émigration (XIXe et début du XXe siècles) est organisée.

Les premiers départs massifs du Pays Basque de France, du Béarn et plus généralement des montagnes pyrénéennes se développent à partir de 1830 lorsque Samuel Lafone, riche négociant d'origine britannique, propose au gouvernement d'Uruguay des contrats dans lesquels il s'engage à recruter de la main d'oeuvre. Il envoie alors le Français Alfred Bellemare prospecter les îles du Cap Vert, les Canaries et le Pays Basque de France, faire de la propagande et organiser les convois.

Compagnie des messageries maritimes, fonds Apheça, collection musée de Basse Navarre
Compagnie des messageries maritimes, fonds Apheça, collection musée de Basse Navarre

Les émigrants basques sont d'abord dirigés vers l'Uruguay, puis vers l'Argentine. En effet, la guerra grande frappe l'Uruguay de 1843 à 1851. De son côté, le dictateur argentin Manuel Rosas est renversé en 1852 par Justo José Urquiza qui ouvre grandes les portes de l'Argentine.

Dès lors, commence pour l'Europe et notamment pour les Basques une longue période d'émigration vers l'Argentine. A partir de 1848, la découverte de l'or en Californie en détournera une partie d'entre eux vers ce nouveau Far West où certains se consacreront à l'élevage de troupeaux destinés à nourrir les nombreux chercheurs d'or.

Au tournant du XXe siècle, plusieurs causes dont l'excédent de main d'oeuvre, la crise économique, des problèmes monétaires entraîneront le déclin progressif de l'émigration argentine au profit de celle des Etats Unis.

"En Argentina gobernar es poblar"
1852- 1880 : une immigration organisée

La présidence de Justo José de Urquiza en 1852 marque le début d'une véritable politique d'immigration. L'un de ses ministres, Alberdi, déclare : "en Argentina gobernar es poblar", en Argentine, gouverner c'est peupler.

Son objectif est double : peupler d'immenses territoires afin que des colonies agricoles puissent s'installer et favoriser l'apport massif d'immigrés européens, des Espagnols, des Italiens, des Français, des Suisses, des Allemands Alberdi, d'ascendance basque, est très favorable à la venue des Basques et de leurs voisins, à tel point qu'il affirme la nécessité de «dépeupler les Pyrénées».

Les premiers habitants de la Pampa sont les Indiens Pampa, Guarani et Ranquel. Plusieurs "campagnes du désert" sont menées contre eux. Dans les années 1870, le général Roca, ministre de la guerre du président Sarmiento (1868-1874), mène une campagne militaire contre les tribus indiennes de l'ouest et du sud de la Pampa qui sont exterminées. Ces "victoires" offrent de nouvelles terres aux colons européens.

"Des hommes sans terre vers une terre sans hommes"
Un véritable découpage géométrique de ces terres sans Indiens est opéré par le gouvernement argentin. Des parcelles rectangulaires sont données aux nouveaux arrivants qui deviennent ainsi propriétaires. Le développement des chemins de fer permet, quant à lui, une meilleure exploitation des ressources agricoles. L'attraction exercée à ce moment-là par l'Argentine sur les Basques est très forte. Ainsi s'ouvre une ère de stabilité politique et de croissance économique. Vers 1880, l'unification du pays est réalisée.

1880-1914 : la dernière vague dimmigration

Entre 1880 et 1910, le mouvement migratoire s'accélère encore avec quatre millions de nouveaux arrivants. Néanmoins, à partir de 1890, le processus d'expansion agricole ralentit, réduisant le besoin de main d'oeuvre et donc l'émigration. La crise économique mondiale de 1929 mettra progressivement fin au départ des Basques de France en Argentine. En revanche, la guerre civile de 1936 poussera de nouveau des Basques d'Espagne sur le chemin de l'exil vers ce pays.

Entre désir et nécessité : les raisons du départ

Plusieurs causes poussent les Basques à quitter massivement leur pays. La conjoncture politique, économique et sociale du XIXe siècle joue un rôle essentiel.

Courrier, fonds Apheça, collection musée de Basse Navarre
Courrier, fonds Apheça, collection musée de Basse Navarre

- Les guerres de la Révolution et de l'Empire (fin XVIIIe et début du XIXe siècles) ruinent le Pays Basque;
- Les cadets des familles sont obligés, soit de travailler comme domestique dans la maison familiale, soit de chercher subsistance ou fortune ailleurs;
- Les émigrants peuvent aider financièrement leur famille restée au pays;
- La population du Pays Basque augmente entre 1830 et 1856;
- Le petit artisanat rural résiste mal à l'essor industriel du XIXe siècle;
- Le service militaire provoque des insoumissions;
- Le déplacement des limites douanières en France en 1789 et en Espagne en 1842 dessert l'économie du Pays Basque.

 

 

Courrier, fonds Apheça, collection musée de Basse Navarre
Courrier, fonds Apheça, collection musée de Basse Navarre
D'autres raisons, comme le désir de se dégager de l'autorité des anciens, la présence en Amérique de parents (frères, oncles, cousins) ou amis, le mythe de l'eldorado américain entretenu par les Basques de retour au pays, constituent autant d'incitations au départ. Enfin, l'appel pressant des gouvernements sud américains à l'émigration basque est très fortement relayé au Pays Basque par les agents d'émigration.